Toute langue est un exil
Je
remarque soudainement les perce-neige sortis de terre – pas assez de terre, des
dalles et du grillage autour
Pas
la terre du bois d’où je les ai transplantés.
Le
lendemain aussi : les perce-neige en fleur – doubles pétales, double
corole : je ne vais pas l’écraser, leur corole,
Je
ne vais pas les cueillir non plus – leur parfum me restera loin
Je
vais me l’approprier en me le remémorant : ça marche !
Troisième
jour : les perce neige du voisin – mort depuis deux ans –
Ont
des coroles simples.
Quatrième
jour : les perce-neige encore plus ouverts !
Un
nerf les lie à mon père mort l’année dernière.
Un
nerf noir, long, fil pas droit, entre mon père dans la terre, sous terre – en
terre déjà ?
En
kit ? Malachite [1] ?
Les
perce-neige, cette fin d’hiver, me tuent.
Je
tarde à le dire : c’était il y a trois jours la dernière prise de vue.
Aujourd’hui :
le nerf qui lie les perce-neige de mon père est si long
Que
son fil pourrait faire le tour de la terre – de la sous-terre
Lier
tous les morts entre eux – moi parmi eux déjà !
[1]
« On appliquera la
malachite sur les parties douloureuses.
Elle nous
redonne confiance en soi, nous apporte plus de lucidité et fortifie nos
facultés d'expression.
Elle accentue nos dons d'auto-guérison, affine la sensibilité, nos qualités de réceptivité, d'adaptation. » qu’ils disent.
Elle accentue nos dons d'auto-guérison, affine la sensibilité, nos qualités de réceptivité, d'adaptation. » qu’ils disent.