Paysages Écrits n°28
Octobre 2017
par Murielle Compère-Demarcy
« Paysages
écrits… revue vraie… » n°28 vient en cet automne 2017 nous ouvrir ses
pages d’octobre, -« incise ou les
poignards volants » (1996) de Philippe Boutibonnes en 1ère
de couverture.
Valérie Canat de Chizy nous retient
par ses poèmes d’écriture pariétale, sur le bord du monde à franchir et
déchiffrer, entre ses éclairages créatifs souterrains (« la grotte est tapissée de silhouettes et d’ombres », la lampe des mots
portée sur les parois du monde par la présence des femmes (la grotte résonne
« de leurs entrailles ») et
le Dehors tapissé de fleurs ; entre surface et eaux profondes (l’odyssée
de nos corps-âmes soufflés en glissements-noyades de poisson sirène) ;
entre nos regards surfant sur les eldorado de nos complaisances et la réalité
(« la face cachée du monde »),
parfois sordide, de « ce que l’on ne
veut pas voir » ; … le poème est ici une sonde, lâchant la Faux,
pour trouver la Terre d’où fertiliser l’Enfance.
François Bordes nous plonge
dans l’incandescence du « regard
sous l’écorce » dont l’Œil du peintre redonne sève et lumière, entre
fantasmagories du réel et réel énigmatique. La transfiguration poétique passe
par l’élucidation des rêves, à mains courantes dans le sang des rêves-fossiles
pour les animer de nouveau dans le feu de fraîcheur du futur, pont tendu vers
l’étincelle de l’au-delà, depuis les empreintes nostalgiques jusqu’au vivier des
poissons volants du présent. Les mots signent ces passages de lumière dans le
cheminement du temps.
Florent Toniello décrypte
« le trac ordinaire » où « la
peau est une croûte terrestre sous laquelle
/ la tectonique des plaques se déchaîne ».
Fabiana
Bartuccelli écrit à Sanda Voïca depuis Prague une lettre des Colchiques, que chacun(e) aimerait
recevoir, un jour, au bord de la vie ou de l’abîme, attaché(e) à rechercher des
reflets d’argent sur la langue et l’inaudible des choses, dans le puits perdu,
« dans le tout-néant de ce feu »,
« comme une vibration de quelque corde, parmi le
bourdonnement des
abeilles »
(abeilles
abimées / bâillonnées hors les alvéoles de miel de la vie par le pollen stérile
des Hommes de fiel)
Christian Viguié nous emporte
dans « la couleur du ciel »,
où le paysage sans la pensée ouvre des fenêtres d’air et de fluidité, d’où le
ciel vibre, s’envole, aussi réel qu’un horizon pur « au milieu des mystères des choses ».
Fabien Drouet juxtapose des scènes foutraques
et fantaisistes de vie fictive frictionnée aux égoïsmes des uns sans les
autres, des autres obsédés par leur rêve d’Un seul. Même l’« Ego Coulpa » s’en mêle, jouant dans
l’urgence et à pied d’œuvre à régler ses propres (sales) comptes, farcesques.
Hubert Le Boisselier dans un style
de poésie plus classique interroge le temps, l’univers, la « voix voyante » du Langage-Dialogue,
ces voix « qui font trembler l’onde de la mémoire », dans un dialogue avec l’Autre, « délivré des pleins et des déliés / pour (s’) éprouver sans le
voile des mots ».
Antonin Kosik présente l’histoire de Ignacio
Moreno Aranda, nous raconte comment « la
mémoire nous joue d’étranges tours ». Un coup de massue retentissant
sur le cours normal de la vie comme des perspectives… stupéfiantes…
Christophe Béguin évoque son
saisissement -et tente d’en éclairer les arcanes- face aux œuvres picturales de
Philippe Boutibonnes dont l’exposition Col
tempo au musée des Beaux-Arts de Caen en 2016 fait l’objet de ce texte.
Quelques
œuvres de Philippe Boutibonnes
sont reproduites dans ce Paysages écrits n°28, aux côtés d’œuvres de Danièle Massu-Marie animant
avec son époux Maurice Marie, l’atelier dmm
situé dans la Manche, à Lingreville.
Isabelle Jabaud nous ouvre une
porte insolite sur « LE JARDIN »
tandis que François Ibanez
joue avec la « Malédiction »,
« Les Diables » avant de
nous inviter dans le flux d’une circulation cosmique et sanguine par les
vagues, l’intaille des mots dans le bitume et les gémissements du vent, les
« Insomnies » et le « Tourbillon », « À deux pas » des connexions télépathiques…
Hans Limon produit ces « bruits de fond » dans l’immersion
en aveugle –« Barbarygmes »
d’embrasure dans la gorge « aux cent
plaisir / du bel instant »
« où jouit Satan »- du Vivre intense de l’amour, et écrit « À l’emporte-plume » une
lettre-poème poignante à son frère de sang, « (s)on frère nu sous les plumes
/ envolé pour un rien. »
« La Danse (macabre) : fresque regroupant
les visages de vingt poètes d’aujourd’hui » de Sophie Brassart déroule sur 5 pages la présence
au monde "envisagée" -toute en regard- de ces figures contemporaines,
suivie par un poème de l’artiste.
Traduits
du grec par Babak Sadeq
Khandjani, trois poèmes d’Antzela Georgota écrivent la force fragile ou la fragilité
puissante d’une Femme qui résiste et dit « Non », qui Se risque, et
toujours et encore résiste.
Un
poème de Paul Celan,
« parmi les rares, écrit en roumain », exposé dans la Grande
Synagogue de Bucarest, au Musée de l’Holocauste, se découvre dans une
traduction de Sanda Voïca,
page 89. Inédit.
Clôturent
cette livraison de remarquable et exigeante tenue du n°28 de Paysages écrits des notes de lecture à
découvrir sur le site de la revue via le lien :
© Murielle
Compère-Demarcy
(MCDem.) – 01/11/2017